Gamin

Publié par l'bistrot des sports

"Gamin" c'était l’âne de mon arrière grand-mère. Pourquoi "Gamin" ? Pour un âne tout de même ! Lorsque j'en parlais à mon oncle, qui était le dernier à l'avoir connu, son regard s'assombrissait. Sa voix se nouait un peu.

- Nous avons tous pleuré, nous les gamins du village lorsque la grand-mère l'a vendu avec sa carriole.

C'est pour cela qu'il a été appelé "Gamin', parce qu’il était l’âne de tous les gamins du village.

 

Les larmes aux yeux mon oncle se souvenait.

- Ton père et moi, avec tes grands parents, nous habitions Bourges. Nous venions en vacance chez notre grand-mère à Lascoux. Nous prenions le train jusqu'à La Châtre puis nous changions pour un tortillard qui nous emmenait jusqu'à la gare de Jouillat. Là, nous attendait la grand mère Jeanne avec son âne attelé à sa carriole. Ton père et moi nous nous précipitions sur l'âne pour le couvrir de baisers et de caresses. La grand-mère passait après. Comme il semblait heureux cet âne d'avoir dans sa carriole ses deux gamins. Il se mettait même à trottiner sur le chemin, les babines "retroussées'. Il riait. Nous nous occupions de "Gamin". Nous n'aimions pas quand il devait travailler. Le soir avec tous les autres gamins du village nous l'amenions dans "son pré". Nous montions sur son dos. Pour arriver à sa pâture il fallait franchir un ruisseau en montant sur une grande pierre plate. Arrivé à ce "petit pont" Gamin refusait de franchir le ruisseau. Il se mettait "à genoux" jusqu'à ce que tous les gamins descendent de son dos. Alors là, seulement, il acceptait de franchir le ruisseau. Une fois sur l'autre rive, il se remettait "à genoux" afin que nous puissions remonter sur son dos et il repartait. Le danger était écarté. Nous n'aimions pas, non plus, lorsque "Gamin" était réquisitionné par quelques fêtards du village qui avaient dans l'idée d'aller s'enivrer parfois même jusqu'à Guéret. Pourquoi lui ? Parce qu’il était le seul à pouvoir ramener ces ivrognes au village sans être guidé. Par contre nous aimions beaucoup les jours de foire à Guéret. La grand-mère Jeanne mettait ses sabots vernis. Nous astiquions la carriole de sortie et faisions une belle toilette à "Gamin". Arrivés sur le champ de foire, la Jeanne étalait ses œufs, ses poules, ses légumes. Nous, nous paradions dans la carriole. Nous ne savions pas que sur ce même champ de foire notre grand-mère, un jour, allait vendre notre âne avec sa carriole.

Lorsque mon oncle venait chez moi, il ne venait pas directement vers la maison. Il passait d'abord par l'écurie voir si Gamin était revenu…

 

Publié dans Au fond de la mémoire

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