Les deux muses

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Ma deuxième muse, je l'ai rencontrée sur la butte Montmartre. Elle sortait du Lapin Agile, le cabarets mal famé de Montmartre, où la bourgeoisie parisienne venait s'encanailler.
Suzanne Valadon arrivait du Limousin où elle était née à Bessine sur Gartempe .Fille naturelle, elle débarque à Paris avec sa mère qui s'emploie comme blanchisseuse.
Marie-Clémentine, car tel était son prénom avant que Toulouse Lautrec lui attribue celui de Suzanne.
Marie-Clémentine demeure avec sa mère dans le bas de Montmartre, rue du Poteau. Cette vie ne lui convient pas. Elle rêve d'autre chose. Mais de quoi ? Elle traine sur la butte, ses cabarets. Elle rencontre des êtres originaux qui vivent de dessins, de peintures. Elle comprend tout de suite que sa vie est là. Bien faite et jolie, elle n’a aucun mal à être prise comme modèle par tous ces marginaux. Elle devient le modèle de Toulouse Lautrec, puis sa maîtresse. Elle pose pour Degas, Renoir, Puvis de Chavannes. A dix huit ans elle fréquente un Espagnol un certain Utrillo qui lui fait un enfant. Suzanne ne supporte pas la "charge" d'un homme. Elle le chasse et élève seule son fils qui deviendra le célèbre peintre Utrillo. A force d’observer ces artistes la dessiner et la peindre, elle se dit «pourquoi pas moi». Le soir, dans sa cuisine de la rue du Poteau elle oblige sa mère et son fils à poser et elle s'acharne, dessine, dessine. Plus tard, pour tenter de l'éloigner de l'ivrognerie, elle poussera même son propre fils dans la peinture.
Esprit libre, fantasque jusqu’à la bizarrerie, elle était connue pour porter un petit bouquet de carottes, avoir une chèvre dans son studio à seule fin de « manger ses mauvais dessins », ou nourrir ses chats avec du caviar le vendredi (jour maigre, où l'Église préconise de s'abstenir de manger de la viande).
Les Muses sont des êtres extraordinaires qui vous inspirent mais que l'on ne peut ni saisir ni s'approprier.
Peut-être, dans une autre vie, les ai-je croisées sans le savoir...