Le 23 mai 1837 un petit air de printemps envahit le village de Lacoux annonçant une belle journée. Elisabeth, en se levant, aperçoit le corps allongé de sa mère Magdeleine sur sa paillasse. Très étonnée, car à cette heure ci la Magdeleine est déjà debout pour préparer la pâtée aux cochons. L’épouse de Lasmier s’approche de sa mère. La tête est renversée en arrière la bouche et les yeux grands ouverts . Son corps est glacé. Elisabeth a compris elle se précipite à la porte du grenier en criant à son mari qui allume le feux dans la pièce du bas.
- Elle est morte ! La mère est morte !
Lasmier laisse tomber à terre le bois qu’il tenait dans ses bras. Il monte les marches du grenier quatre à quatre. Il reste planté devant la dépouille de sa belle-mère. Du fond de leur paillasse les trois petites entendent murmurer leur père :
- La vieille est crevade. Maintenant c’est meu le patron. Le beau-frère Claude reste dans l’Oise. Je vais m’arranger avec le cousin François de Jouillat. Plus besoin d’aller sur les chantiers.
Jacques redescends dans la cour pour aller chercher le vieux François Glomot. Déjà la Anne Michaud la femme de Jean-Antoine Tallaire, alertée par les cris d’Elisabeth, se précipite dans le grenier pour s’occuper des trois petites toujours prostrées dans leur paillasse. Elle les confie à la Sylvaine Gerby. Sylvaine est enceinte et a une petite Jeanne de un an. Les petites Lasmier sont bien dégourdies elles pourront l’aider dans ses tâches. Elisabeth court, entre deux quintes de toux, jusqu’aux Taches chez ses beaux-frères Peynot prévenir ses sœurs Anne et Marguerite. Lasmier demande au père Glomot et à son fils Pierre de se rendre à Jouillat déclarer le décès. Lui, va à Boisfranc chez les Dufour, prévenir la cadette des sœurs Boyer, l’autre Anne. Puis, il se rend à Jouillat chez le cousin François qui n’a pas encore pris le chemin de la migration. Il saura où prévenir dans l’Oise le Claude le frère d’Elisabeth.
Après trois nuits de veillée du corps par les femmes, Antoine Michaud attèle deux vaches à son « tombereau ». Sous un ciel radieux de mai on y dépose le cercueil de la Magdeleine entouré par tout le village. Puis, le cortège, après avoir passé le Couderc, prend le « chemin des morts » jusqu’à Jouillat.
Après l’enterrement, Lasmier rassemble les hommes qui ont participé au transport du corps, chez le cabaretier Chazeaud pour le repas funéraire. On y mange et surtout on y boit beaucoup. Des plaisanteries parfois irrespectueuses, pour un tel jour, fusent. Lasmier, lui, garde la tête froide. Dans un coin de la salle il interpelle le cousin François Boyer de Jouillat.
- Tu es l’unique patron maintenant, lance-t-il au cousin.
- Oui, mais je pense à ma cousine Elisabeth et aux trois petites quant à toi, tu sais bien que en tant que migrant j’ai toujours eu de l’amitié pour toi, malgré que parfois elle n’ait pas toujours été méritée. Ce que j’avais laissé à ma tante la Magdeleine je te le laisse. A toi de t’occuper de ce qui reste de la propriété, je te la laisse en fermage.
La providence permet enfin à Lasmier de satisfaire son ambition. Mais cette situation va durer que trois ans.
En février 1840 François Boyer le cousin germain d’Elisabeth de Jouillat, le propriétaire par testament de la propriété des Boyer de Lacoux, épouse Gilberte Durand. Malgré l’amitié qui le lie à Jacques Lasmier, François va céder aux exigences de son épouse.
Gilberte Durand est une femme de caractère. De plus, vu sa réputation, Gilberte a une forte aversion envers Jacques Lasmier. Elle oblige son mari à reprendre le fermage de Lasmier. De le garder uniquement comme commis avec seulement le logis et la nourriture pour lui et sa famille. Elle, gérera elle-même la propriété le temps de ses absences.
Les trois filles d‘Elisabeth et de Jacques, âgées d’une dizaine d’années, sont placées comme domestiques dans le village et ses alentours.
Durant l‘hiver suivant, François Boyer apporte des modifications à la structure des bâtiments suite aux partages consécutifs au décès du père Boyer et de la Magdeleine. Au niveau des granges, celle du bout à été octroyé à la Anne Peynot qui l’a vendue à des Lemaigre. François à conservé celle qui jouxte la maison. Mais la perte de la grange du bout lui enlève de l’espace pour le stockage du foin et du grain. Il surélève la grange mitoyenne. La couvre de tuiles. Il surélève également la maison en apportant un « faux grenier » où l’on accède par une échelle dressée dans le grenier d’origine. Le tout est également recouvert de tuiles. La bergerie mitoyenne reste en son état d’origine.
François n’est pas encore revenu d’un chantier de Compiègne que son épouse, lors des moissons à Lacoux cette année 1841, met au monde une petite Marie aidée par Anne Michaud la sage femme du village. Son cousin François Durand et Antoine Tallaire, leur voisin, descendent à Jouillat déclarer l’enfant à la Mairie.
Quelques mois précédents la naissance de la fille de François Boyer et de Gilberte Durand, la dernière sœur d’Elisabeth, Anne, a épousé un veuf de Villecoulon : Louis Prugniaud.
(à suivre)