Le chemin des morts 10 Sous le Directoire et le Consulat
Le 9 thermidor (27 juillet 1794) une coalition de modérés et de spéculateurs provoque la chute de Robespierre. Une terreur cesse pour laisser place à une autre. Les royalistes s'enhardissent et font régner à leur tour, surtout dans le midi une seconde terreur : la terreur blanche. On massacre les Républicains, en particulier les Montagnards.
En Creuse, cette réaction est peu violente. A Saint-Dizier les Domaines les fervents montagnards que sont les frères Guillion ne sont pas inquiétés. Sylvain reste Maire de la commune. Antoine quitte la tête du Comité de Surveillance. Il vit aujourd'hui paisiblement avec sa famille au hameau de La Borde. Néanmoins on signale quelques désordres commis aux environs de Crocq en 1795 et 1796 par la bande de Leyval, association de nobles, de prêtres et de voleurs de profession cantonnée sur les frontières de la Creuse et du Puy-de-Dôme. Le 27 octobre 1795, la Constitution de l'an III fait installer "Le Directoire" formé de cinq Directeurs. Cela n’empêche pas la situation financière de s'aggraver, les assignats sont de plus en plus dépréciés ; la crise des subsistances continue. En 1799 l'insécurité s’accroit ; des actes de brigandage sont commis dans le département.
Quelques mois avant le mariage d'André Lasmier et Marie Ratoullat ainsi que la naissance d'Elisabeth Boyer, les 18 et 19 brumaire le Général Bonaparte, aidé par son frère Lucien et Murat déclenchent un coup d'état pour "sauver la liberté et l'égalité". Ils décrèteront le remplacement des Directeurs par trois consuls provisoires : Bonaparte, Sieyès et Roger Ducros. La République était morte.
Au lendemain de ce coup d'état Paris est en liesse. Le régime pourri du Directoire est enfin aboli. Une nouvelle constitution, celle de l'an VIII, est promulguée le 24 frimaire (15 décembre) établissant, en principe, le Suffrage Universel. Tous les citoyens d'au moins vingt et un ans peuvent voter, mais ils n'élisent pas les députés.
La nouvelle Constitution est plébiscitée le 7 février 1800 par 3 011 007 oui contre 1 562 non et quatre millions d'abstentions !..... Les trois nouveaux consuls choisis par Sieyes sont Cambacérès, Lebrun et Bonaparte comme Premier Consul qui décide de s'installer aux Tuileries. Un nouveau régime commence.
Bonaparte devient le maître de la France. L'ensemble de la population creusoise accepte avec satisfaction le nouveau gouvernement. A la place des fonctionnaires élus, il nomme un préfet à la tête de chaque département. Les sept districts sont remplacés par quatre arrondissements : Guéret, Aubusson, Bourganeuf et Boussac, les trois derniers administrés par un sous-préfet. L'élection des juges est supprimée ; ils sont nommés par le gouvernement. La Creuse est du ressort de la cour de Limoges, nouvellement créée.
En 1800, la réorganisation du nouveau gouvernement fait perdre à Sylvain Guillion son poste de Maire à Saint-Dizier les Domaines. Sont passé d'ancien Montagnard lui a été fatal. Un sympathisant bonapartiste, Jean de la Coste, lui succède à la Mairie.
Naissance de Jacques Lasmier
Par un beau dimanche matin de floréal, enveloppée dans un grand "cherrier" noir, coiffée de sa coiffe du dimanche, s'appuyant sur un bâton de châtaignier, la vieille Gerby arrive au village des Mas où demeure désormais sa petite fille suite à son mariage avec André Lasmier
Marie est assise devant la porte. Elle plume la poule qui servira de repas ce midi. A peine arrivée devant sa petite fille elle l’interpelle :
- Alors Marie j'ai entendu dire que la chouette a ululé dans ton jardin d'une manière annonçant une grossesse !....
- Je crois bien grand-mère, répond Marie en rougissant légèrement.
- Bien, tu veux un garçon, une fille ?
- Oh tu sais grand-mère, André et moi sommes tellement contents que fille ou garçon.....
- Bon enfin, si dans un mois ou deux ton ventre devient rond en largeur ce sera un garçon. S'il devient pointu ce sera une fille. Je suis venue te donner quelques conseils car tu es bien innocente et la mère de ton mari n’est guère mieux. Si tu as des "envies" que tu ne peux pas te procurer ne te grattes pas car le bébé aura la tâche de la couleur de l'’envie" : cerise, framboise, etc., à l'endroit où tu te serras gratté ou alors grattes toi à un endroit recouvert par des vêtements. Ne vas pas aussi rendre les derniers devoirs à un mort, ni assister à un enterrement, car ton enfant serait pâle et mourrait. Par contre manges une fois du lièvre si tu ne veux pas qu'il est un bec de lièvre. Si tu tiens qu'il ressemble à un membre de la famille regarde celui-ci avec insistance. Si tu veux qu'il soit beau, contemple le plus souvent et le plus longtemps possible la personne la plus remarquable, par sa beauté, dans le pays.
Je mange avec vous ce dimanche puis je repartirai en fin d'après midi. Je reviendrai en fructidor pour te délivrer en attendant j'irai chaque jour à l'église de Champsanglard invoquer la Sainte Vierge.
- Merci, mère Gerby de tous ces conseils, s'exclame André qui entre temps est revenu du bourg. Mettons-nous tous à table pour que Marie nourrisse le bébé.
La joie règne chez les Lasmier dans quelques mois un petit Jacques naîtra.
Les foins terminés de rentrés, on affûte les faucilles pour couper le blé. Nous sommes en fructidor. Le soleil tape dur. Les épis sont mûrs. Marie a de plus en plus de mal à se tenir debout. Le petit Jacques commence à se faire lourd car ce sera un garçon ! Son ventre est bien rond tout autour de sa taille. Il va pourtant falloir allez faire les "javelles". Heureusement sa grand-mère Gerby doit venir dans les prochains jours pour la « délivrer ».
En fin d’après-midi du 23 fructidor Marie ressent les premières douleurs. Elles deviennent de plus en plus en plus rapprochées et douloureuses. Sa belle mère et la vieille Gerby l'allongent sur la paillasse. Elles font chauffer de l'eau dans la marmite où habituellement on fait cuire les pommes de terre du repas du soir. Les flammes crépitent dans la cheminée. En cette matinée d'août la chaleur est déjà étouffante. Elle laisse présager un orage dans la soirée. Par contre à l'intérieur de la grande pièce cette chaleur extérieure provoque une espèce d'humidité un peu comme dans une cave. Le feu dans la cheminée est le bien venu. Le linge fait du chanvre récolté dans la "chènevière" est délicatement plié sur la grande table de bois. Des seaux remplis d'eau du puits sont placés sur la pierre à évier. André, le futur père, est à la carrière. Il a commencé sa journée à l'aube. Seuls le père d'André et son frère aîné sont présents. Le frère aîné d'André a du abandonner son travail de tailleur de pierre suite à une étrange maladie qui l'étouffait au contact de la poussière. Cette étrange maladie appelée « tuberculose » l’emportera à l’âge de vingt deux ans en 1811. A ce jour, il aide ses parents à cultiver les terres dont ils sont devenus fermiers après la révolution.
Pour soulager les douleurs de Marie, sa belle-mère, lui met sur le ventre un ruban béni et le travail commence. Il va durer toute la soirée. A vingt trois heures, le 23 fructidor (août) 1801 celui qui deviendra le "vieux Jacques" vient de naître.
La mort d’Antoine Guillion
A Saint-Dizier les Domaines, les élections municipales de 1802 réservent une surprise aux habitants de la commune. Sylvain Guillion après sa défaite de 1800, est réélu à une forte majorité. Des bruits, vrais ou faux, circulent depuis quelques temps. Le Maire sortant Jean de la Coste sous son étiquette de bonapartiste serait sournoisement favorable à une victoire des Bourbon avec leurs alliés étrangers dans la guerre que ces derniers mènent aux frontières de la France contre les armées bonapartistes. Complot ou pas Sylvain Guillion est réélu à la tête de la Mairie de Saint-Dizier les Domaines.
Quelques mois après son élection Sylvain se rend au chevet de son frère Antoine. Malgré la chaleur lourde et orageuse de juillet, la porte de la chaumière est close en signe de maladie dans le foyer. Dans un coin de la pièce où le sol est recouvert de terre battue Antoine est allongé sur sa paillasse. A cinquante huit ans, l'ex montagnard a le souffle court. Près de lui la Doizon son épouse et sa fille Sylvaine.
Pourtant, ce matin à l'aube, accompagné de ses trois fils Jean, Pierre et Etienne, il prenait le chemin le conduisant au domaine du Magnaud dont il est à ce jour le fermier en attendant le mariage de son fils Jean avec Marie la fille du Jean Beauvais l’actuel propriétaire du domaine. Avec sa faux sur l'épaule Antoine va couper le foin qui, avec ces grosses chaleurs, est bien sec. Une distance d'environ quatre kilomètres sépare les deux hameaux. A mi-chemin, après le village de la « Viergne », se présente une longue côte qui conduit jusqu'au Magnaud. En vue des maisons Antoine s'affaisse terrassé par une terrible douleur dans la poitrine accompagnée d'affreux étouffements. Etienne le plus costaud des trois frères le charge sur son dos.
- On va monter jusqu'au Magnaud. On le déposera chez les Nigron. Il pourra s’y reposer. Il a dû boire trop de cidre au casse-croûte du matin et avec cette chaleur… dit Etienne à ses frères.
Arrivés chez les Nigron, les trois frères allongent le malade sur un vieux lit recouvert d'une simple paillasse de paille. La mère Nigron lui étant un linge mouillé sur le front. Antoine qui n'a pas perdu connaissance demande à ses fils de lui laisser le temps de récupérer ses forces en allant commencer à faucher le pré qui descend jusqu’au chemin de Clugnat à Châtelux puis il ira les rejoindre. Les trois frères s'exécutent en laissant leur père qui semble reprendre un peu son souffle. La douleur dans la poitrine s'atténue. A midi, le père Antoine n'a toujours pas récupéré totalement ses forces. Les trois frères décident de le redescendre à la Borde en le portant chacun leur tour sur leurs épaules. Le père Nigron leur propose d'atteler les bœufs pour le descendre avec le tombereau.
- Le chemin est trop mauvais. Répond Pierre. Il sera trop secoué. Nous sommes trois on y arrivera bin.
En milieu d'après-midi les quatre hommes arrivent à la Borde.
- Vite la mère prépare la paillasse de l'Antoine. Commande Jean qui est descendu à l'avant de ses frères qui portent à tour de rôle leur père qui étouffe de plus en plus en souffrant de douleurs aux bras et dans la poitrine. La descente pour lui a été un véritable calvaire.
Etienne dépose son père, à demi conscient sur la paillasse. Antoine marmonne à son fils le désir de voir son frère Sylvain.
C'est ainsi que les deux anciens Montagnards, Sylvain et Antoine se tiennent l'un près de l'autre pour une dernière fois. Antoine demande à son frère de s'approcher près de sa bouche. Il n'a presque plus la force d'émettre le son d'une parole. En réunissant ses dernières forces, le mourant, murmure à son frère :
- La Sylvaine a épousé le Rapinat. C'est bien. Etienne veut marider la Jeanne Lecoq de Beybe. Il ira « gendre » chez les Lecoq. C'est aussi très bien. Pierre veut la Suzanne Arnouier. Ce n'est pas une très bonne affaire. Les Arnouier ont peu. Ils continueront ma propriété car c'est lui mon aîné des garçons. Reste le Jean. Je l'ai promis à la Marie du Jean Beauvais, pour le domaine du Magnaud. Je te charge de terminer cette affaire. Après ces dernières paroles Antoine tourne la tête vers le mur et rend le dernier soupir. Antoine Guillion l'ardent révolutionnaire vient de mourir. Son frère Sylvain lui ferme les yeux. C'est lui en tant que Maire de la commune qui fera son éloge funèbre devant la Mairie puis on ira directement au cimetière sans s'arrêter à l'église comme tout bon "montagnard".
- Arrêtes la pendule et recouvres-la du voile sombre des morts, s'adresse Sylvain à sa belle-sœur la Doizon. Habilles le de ses plus beaux habits mes surtout pas de bondieuseries. Pas de ça chez nous.
La Doizon ne pleure pas, mais de ne pas mettre la moindre croix cela l'a fait s’écrier :
- On a beau avoir fait la révolution on devrait tout de même partir avec le Bon Dieu. Puis se retournant vers sa fille Sylvaine :
- Vas dans les villages alentours prévenir de la mort de l'Antoine. Que les femmes viennent le veiller jusqu'à son enterrement et qu'il y aura, quand même, de l'eau bénite.
Jean Guillion et Marie Beauvais
Au début de l'année 1804 la Doizon succombe d'un mal qui lui "arrachait" les seins depuis plusieurs mois.
Depuis le décès de la mère, un léger malaise s'installe entre les trois frères Guillion. Pierre l'aîné des trois, comme prévu, reçoit la succession de la propriété. Jean et Etienne ne s'y opposent pas. Jean récupèrera le domaine du Magnaud le jour de son mariage avec Marie Beauvais. Le plus défavorisé serait Etienne qui doit se contenter de quelques arpents de terre dont il laissera la jouissance à son frère Pierre. Etienne quitte la propriété. L'aventure avec l'armée napoléonienne le tente bien, mais il lui faudrait être séparé de la petite Jeannette Lecoq à qui il a promi le mariage. Jean cherche à précipiter son mariage avec Marie Beauvais. En attendant il part journalier avec son frère Etienne. Mieux vaut travailler pour des fermiers et toucher un salaire que travailler pour rien pour leur propre frère.
L'oncle des trois frères, le Maire Sylvain Guillion entreprend l'exécution des souhaits de son frère Antoine évoqués sur son lit de mort. Dix mois après le décès de la Doizon, il unit sont neveu Pierre à la Suzanne Arnouier. Après les départs de Jean et Etienne, Pierre manque de bras à la propriété. En se mariant il ajoute à sa succession de la main d'œuvre avec les membres de sa belle famille.
Trois ans plus tard, Sylvain unit son second neveu Etienne à Jeanne Lecoq. Le couple part vivre à Beybe à deux pas du village de La Borde. Quelques années plus tard Etienne deviendra le garde Champêtre de la commune, malgré que Sylvain ait perdu sa place de Maire au profit de Claude Jacquet.
Il reste au frère d'Antoine d'accomplir la dernière volonté de son frère ; celle d'unir le fils cadet, Jean, comme prévu depuis de longues années, à Marie Beauvais la fille de Jean Beauvais de Genouillat. Mais, du côté de Jean Beauvais la situation a évolué d'une façon différente. Si la parole des Guillion est d'honneur celle du vieux Beauvais l’est beaucoup moins.
Jean a en cette année 1812 vingt sept ans et Marie vingt quatre ans. Il est temps de les marier. Sylvain choisit le jour du 14 juillet pour se rendre à Genouillat chez les Beauvais-Peyrinne. Après avoir traversé le bourg, Sylvain prend la route du cimetière. Passé ce dernier, il aperçoit sur la droite les premiers bâtiments du « châteaux » de Genouillat. L'ensemble de la propriété des Beauvais, des granges, écuries, et chaumières forme à lui seul presque l'étendue du village de Rebouyet. A l'exception de Marie qui est devenue belle comme un ange avec ses grands yeux bleus et ses longs cheveux bouclés, l'accueil est plutôt froid. La mère de Marie la Jeanne Peyrinne reste courbée sur sa marmite ou les pommes de terre de la veille avait attachées dans le fond.
- Bonjour la Jeanne, le patron est là ?
- Chez pas ou il est, répond la Peyrinne tout en continuant sa tâche.
- Je lui avais fait dire que je viendrai aujourd'hui pour l'affaire du Jean et de la Marie.
- Oh bin ce n’est pas fait s't'affaire ! Le Beauvais n'est plus tellement décidé
- Ce qui est tapé est tapé rétorque Sylvain
- Toute façon il n’est pas là !
Marie s'approchant de Sylvain et lui prenant le bras lui chuchote à l'oreille.
- Je sais où il est moi, et il sera bien obligé de t'écouter.
Sylvain se laisse guider par Marie. Elle le fait pénétrer dans une grande pièce meublée uniquement d'un grand vaisselier et d'une immense table crasseuse en chêne bordée de bancs. Au milieu de la table une bouteille de cidre à moitié vide, une croustillante miche de pain et un fromage de vache dégoulinant de crème où s'ébattent quelques vers blancs. Sylvain ressent un immense malaise. Une sensation de dégoût en pénétrant dans cette grande pièce de maison bourgeoise où trône en bout de table un vieille ivrogne enrichi sur le malheur des paysans qu'il exploite à longueur de journées.
- Je ne t'ai pas invité, le Sylvain. Si tu étais encore Maire de ta commune on aurait pu causer. Mais ce n'est plus le cas. Alors que viens-tu faire ici ?
- Je viens pour honorer le contrat que mon frère Antoine et toi avez passé à propos du Jean et de la Marie.
- Je n'ai pas "tapé" dans ta main mais dans celle de ton frère et le brave est mort. Je suis libre de reprendre ma parole. Qu'est-ce que tu fais encore là, toi ! S’adresse- t-il à sa fille qui restait dans l'embrasure de la porte d'entrée.
Sylvain a du mal à dominer sa colère. Marie sort de la pièce et va se placer près de la fenêtre restée ouverte, afin de suivre le triste marchandage dont elle est l'objet.
- Je vais marier la Marie à son cousin du château des Beauvais de Bonnat. C'est ma volonté ! Car c'est moi le plus riche !
- Tu n'es pas riche Beauvais, tu es surtout un sale ivrogne. Je te le ferai payer. s'écrie Sylvain.
A ces paroles, l'ivrogne jette son verre plein de cidre à la figure de Sylvain qui l'évite de justesse puis tente de se lever pour saisir son bâton qui l'aide habituellement à se traîner, mais l'ivresse le projette à terre.
- Sors d'ici ou je te lâche les chiens !
- Tu crèveras comme une "charogne" vieille saloprie, s'écrie Sylvain en se dirigeant vers la porte, mais à cet instant, Marie pénètre dans la pièce où son père tente vainement de se relever et devant son père à genoux elle lui lance froidement :
- Je n'épouserai pas le cousin de Bonnat. Je pars avec le Sylvain rejoindre Jean car c’est mon « galant » et il m'a fait grosse depuis un mois c'est donc avec lui que je vais me marider. De plus tu n'as plus aucuns droits sur moi, j'ai vingt quatre ans.
Sylvain et Marie quittent la salle en laissant le père Beauvais affalé de tout son long en vomissant sa haine. Ils prennent la direction du bourg de Genouillat avec à leur trousse la Jeanne Peyrinne qui les poursuit avec un bâton en hurlant :
- Ils ont tué le Beauvais ! Ils ont tué le Beauvais.
Quelques mois après son mariage à Genouillat avec Jean Guillion, cette année de 1812, Marie apprend le décès de son père. Il serait mort plus de rage que de maladie quant à sa mère la « Peyrinne » la raison lui aurait quitté la tête".
Jean Guillion et Marie sont venus abriter leur bonheur dans la demeure de leur domaine du Magnaud que Marie a finalement apporté dans son « panier » de mariage. Le domaine fait parti de la commune de Châtelux Malvaleix. Situé à environ cinq kilomètres du bourg, le Magnaud est entouré des villages de « la Viergne », « le Batteix » et les « Jaumareix ». Trois chaumières habitées, l'une par les Nigron fermiers des Guillion, une seconde par les vieux parents Nigron et la troisième beaucoup plus importante celle des nouveaux propriétaires du domaine Marie et Jean Guillion plus les granges, écuries et bergeries.
Quelques mois aprè leur mariage, en 1813, Marie donne naissance à un petit Antoine qui ne vivra que quelques jours. La vieille Nigron qui a pratiqué l’accouchement met ce décès sur le compte d’une malédiction consécutive à un sort jeté par la vieille folle Jeanne Peyrinne la mère de Marie. Le couple est très affecté par la mort du petit Antoine. Ils pensent que la mère Nigron a raison. Leur mariage opposé à la volonté des parents Beauvais va leur porter malheur. Heureusement l’année suivante en 1814, Marie met au monde une petite fille. Ce n’est pas le garçon espéré par le couple, mais la petite semble en bonne santé, elle vivra. Elle portera le prénom de Marguerite.
Jean et Marie veulent absolument un garçon afin d’assurer la lignée. L’espoir renaît six ans après la naissance de Marguerite. Marie est de nouveau enceinte. Les vieilles du pays lui prédisent un garçon.
Au printemps de l’année 1820, Marie Beauvais met au monde un petit « François ». Le couple est comblé enfin un garçon ! La petite Marguerite qui a déjà six ans partage un peu moins la joie de cet évènement. Il va falloir tout partager avec ce petit frère. Comme c’est un garçon il aura tous les droits. La petite n’est pas très belle. Son visage est ingrat. Un nez crochu lui mange le visage. Des yeux noirs qui se baissent dès qu’elle prononce une parole, le tout surmonté de sourcils qui se froncent à la moindre contrariété. Pour finir une petite bouche formée de minces lèvres et enfin une tignasse noire toute ébouriffée. Marguerite ne ressemble pas à sa mère mais à sa grand-mère la Jeanne Peyrinne et son grand-père Beauvais lui a fait don de son avidité.
Le petit François ne survivra que quelques jours à un accouchement laborieux où Marie a failli laisser la vie. Décidément il n’y aura pas d’héritier mâle chez les Guillion du Magnaud.
(à suivre)