Le chemin des morts 11 Jacques Lasmier
Jacques a grandi au Mas. Après le décès de son père, il est placé à la carrière dès ses onze ans. Il devient tailleur de pierres, mais il ne veut pas en rester là. Travailler dans cette carrière ne lui rapporte que peu de choses sinon de quoi donner sa paie à sa mère qui depuis le décès d’André, vit dans la précarité. Doté d'un caractère difficile, il supporte mal le fait que sa famille n'ait pu profiter de la révolution de 1789 comme d’autres l'on si bien fait parfois plus ou moins honnêtement. La nature l'a doté d'un caractère envieux et de plus tous les conseils prodigués par son arrière-grand-mère à sa mère Marie lors de sa grossesse n'ont pas apportés les résultats attendus. Jacques n‘est pas beau. Un visage aux joues creuses avec un long nez. Une bouche à la limite du bec de lièvre cachée par une moustache noire et crasseuse à la gauloise. Des oreilles plus grandes que la normale et décollées qu’il cache à l’intérieur d’une casquette, enfin deux petits yeux noirs remplis de haine enfoncés sous des arcades ou se battent d'énormes sourcils noirs. Le tout recouvert par cette casquette bleue cachant en plus des oreilles une tignasse de cheveux crasseux raides et noirs. Par contre il est doté d'une force herculéenne. Très grand avec de longs bras sa démarche fait penser à celle d'un gorille. Il se plait à déambuler habillé d'une veste et d'un pantalon bleus aussi crasseux que sa casquette, avec aux pieds une paire de godillots qu'il a chapardés chez un entrepreneur parisien car Jacques est devenu migrant sur Paris.
Au moment de la chute de Napoléon et de la première restauration de 1814 à 1815, Jacques travaille encore à la carrière de Champsanglard.
A l'annonce du retour de l'Empereur de l'île d'Elbe, Il a quatorze ans. C’est un farouche admirateur de l'Empereur. Il aurait tant aimé faire partie des "Marie Louise" de l'Empereur qui en 1813 montèrent au feu en étant presque des enfants. Il décide sa mère de le laisser « monter » à Paris. Il devient donc migrant. Il loge rue Mouffetard avec d'autres "mangeurs de châtaignes" maçons, tailleurs de pierres, couvreurs tous creusois et fervents bonapartistes. Mais le rêve n'aura duré que cent jours. Après Waterloo l'empereur abdique définitivement. Louis XVIII le 8 juillet 1815 reprend le pouvoir définitivement.
Nos migrants creusois applaudissent à l'assassinat du duc de Berry que l'on pense être le seul espoir des royalistes à assurer la dynastie des Bourbon. Le duc est exécuté par un certain Louis Louvel devant l'opéra de Paris le 13 février 1820. Par contre le 5 mai 1821 tout le quartier Saint-Marcel essentiellement peuplé de migrants creusois, est en deuil. Ils viennent d'apprendre le décès de l'empereur Napoléon Ier sur l'île de Sainte-Hélène.
Auparavant, vers 1818, se développèrent des sociétés secrètes libérales ou révolutionnaires. Elles étaient organisées en "ventes" civiles ou militaires très cloisonnées, sous l'autorité de la Haute Vente de Paris. Leur but était de pourrir l'armée française qui était alors formée de jeunes conscrits mais encadrés par d'anciens gradés de l'empire qui donna l'idée aux conspirateurs d'utiliser ces troupes contre le régime.
Belle occasion pour Jacques Lasmier de se distinguer contre la monarchie, lui qui n'avait pas pu s'enrôler dans les "Marie Louise". Jacques et plusieurs de ses amis bonapartistes rejoignent une "vente" à Paris. Pourtant, après une conspiration, celle du "Bazard Français" qui sera démasquée et surtout l'exécution de trois sergents de la Rochelle accusés également de conspiration, modèrent les ardeurs des conspirateurs, mais pas celle de Lasmier. Avec quelques-uns de ses amis, il passe en Espagne pour tenter de corrompre le corps expéditionnaire, le retourner contre le pouvoir et le faire marcher sur Paris. Malheureusement pour eux le loyalisme des troupes les fait échouer dans leurs projets. Ils n'ont plus qu'à disparaître et se cacher pour ne pas finir comme les sergents de la Rochelle. Jacques revient au Mas vivre auprès de sa mère. Ici on ne le débusquera pas.
(à suivre)