Jouillat en Creuse
Le bourg de Jouillat, au Moyen-âge, appartenait aux seigneurs du Château du Bretouillis. Ce petit bourg était entouré de Châteaux ; au Rochereau, à Boisfranc, à la Brousse, il possédait même une tour de défense. La région faisait partie du comté de la Marche dont le comte était de la famille de Luzignan. Une "marche" était une frontière. Tous ces châteaux surveillaient la frontière entre le pays d'Oc et le pays d'Oïl dont le Berry était une des portes.
Les alentours de Jouillat étaient parsemés de petits étangs. Aux temps néolithiques certains étaient utilisés pour l'implantation de cités lacustres. Durant la période celtique des peuplades gauloises s'installèrent sur leurs bords et fondèrent de petits villages. Les occupants étaient protégés par des "Oppidums". Celui des lieux qui nous concernent était sur le mont "Peum". A l'époque romaine, tous les gaulois sont romanisés et deviennent des Gallo-Romains. D'immenses villas romaines se construisent à la place des petits villages gaulois. Elles sont à l'origine de la plupart des petits hameaux et de petites bourgades d’aujourd’hui comme Jouillat.
Au Vème siècle des barbares venus de Germany, les Francs, envahissent le pays. Ils rasent les villas romaines. Construisent de petits "Chatelards". Ce sont des petites constructions de bois qui deviendront les châteaux cités plus haut. Les descendants de ces envahisseurs seront nos seigneurs. L'Église Chrétienne les convertira à la religion. Ils participeront aux croisades, feront bâtir des églises et fonderont des monastères.
Au XII siècle Jouillat (Joulhac) a une Cure dépendant de l’archiprêtre d’Anzème. La famille de Bretolie y fait construire une église. Un cimetière borde les murs de la nouvelle église. Des bâtiments sont construits pour loger les membres de la Cure. Un des prieurs de la cure se nomme « Lacou ».
Ce personnage ecclésiastique ne se contente pas de la Cure. Il décide de fonder un Prieuré. A environ trois kilomètres au nord de Joulhac il a connaissance d'une contrée où règne encore d'anciennes croyances celtiques. On y parle de Pierres aux Fées, de Pierres aux oiseaux. Subsistent encore d'anciens mégalithes enfouis aujourd’hui sous des broussailles sur les bords d’anciens étangs témoins du culte druidique. C'est au milieu de ces lieux païens et hostiles qu'il entreprend la construction de sa demeure privée : Un Prieuré.
Pour se rendre au Prieuré, il faut traverser les zones marécageuses d’un étang, qui borde le hameau de Villemorle. Afin d’améliorer les communications entre le Prieuré et Jouillat pour le passage de chariots, le Prieur fait tracer un chemin qui contourne les marais de Villemorle. Il sera le « Pendant » du sentier marécageux.
Le chemin emprunte l'ancienne voie romaine allant vers Lombarteix puis bifurque sur la droite en prenant le chemin du Pendant. Il laisse sur la droite l'étang de Villemorle passe le chemin des Ribières et du Châtelard pour continuer jusqu'au chemin du mont Peum. Cette portion prend le nom de « Chemin des morts » car lorsqu’un domestique ou fermier du Prieuré décède, sa dépouille doit être transportée au cimetière de Jouillat déposée sur un chariot, appelé plus tard, un « tombereau » (dont le nom de ce chariot) tiré par des bœufs. Cette coutume perdura jusqu’au début du XXème siècle. Passé le Chemin des Morts on tourne sur la droite pour prendre « le chemin de « Lacou » qui descend vers un moulin sur "la Nio" (il prendra même beaucoup plus tard le nom de « chemin du moulin »), avant d’arriver au hameau de Villelot pour finir au château de la Brousse en passant par Mounier (ancien lieu où résidaient les meuniers du moulin de la Nio). Cinq à huit cents mètres après avoir pris le chemin de Lacou, avant de descendre vers le moulin, un petit groupe de chaumières. Le petit hameau prend le nom du Prieure; Lacou, dont le nom du bout de chemin qui y conduit. Le Prieuré est adossé à une petite butte. Il est composé d'une habitation, d'une chapelle, d'écuries et de granges.
A Jouillat en 1564 un vicaire appelé des Monneyroux dirige une communauté d’une douzaine de prêtres.
Durant les guerres de religions dans les années 1580, le Prieuré de Lacou est fortifié d’une muraille avec un chemin de ronde ce qui lui attribue l'appellation de "château". Des chaumières sont construites dans son enceinte et à une de ses entrées située à l‘est sur le chemin qui descend vers Villelot et « les rives ». A deux cents mètres se trouve une pêcherie avec un puits, vestige d’une ancienne villa romaine, où viennent s’alimenter en eau les habitants du Prieuré et les fermiers qui composent le hameau du bas.
Suite aux guerres de religion, le Prieuré sera abandonné par les Prieurs, probablement à la suite de la disparition de la Cure de Jouillat ou incendié par des bandes de Protestants. Les bâtiments, dépendances et chaumières deviendront le centre du hameau sous le nom de « la cournière » de Lacou. Le hameau rentrera dans la propriété des seigneurs des "Écures", une famille "Nadeaud".
En 1761, Lacou qui a pris un "x" au bout de son nom, revient dans le giron de l'Église. Son propriétaire est un curé de Saint-Hillaire en Berry, nommé Brillant jusqu'à ce jour de juillet 1789.
Pierre Boyer et son épouse Françoise Martin s'inquiètent. Ils vivent parmi les arbres fruitiers des anciens jardins du prieuré dans une chaumière adossée à l'ancienne enceinte du prieuré le long du mur sud. Leur fils Jean est actuellement en migration à Paris. Des bruits circulent sur une certaine agitation régnant sur la capitale. Heureusement leurs trois autres fils François et les « deux » Antoine ainsi que leur sœur Etiennette sont restés au pays.
Pierre Boyer voit le jour vers 1720 dans une masure face à l'ancien prieuré qui était occupé à cette époque par les Boudrionnet fermiers du curé Brillant. Son père Jean était, avec ses voisins les Guinjard, l'un des principaux fermiers du curé. Pierre a épousé son amie d'enfance Berthe Durand. La chaumière des parents de Berthe était adossée hors de l'ancienne enceinte sud du village.
Le curé Brillant prendra en affection le nouveau couple Boyer. Il leur fera construire dans ses jardins une grande chaumière.
A ce jour, Pierre a une soixante dizaines d'années. Il est vieux. Il a perdu sa première épouse Berthe Durand et a épousé en secondes noces Françoise Martin dont il a eu cinq enfants. C'est son fils aîné François avec son épouse Magdeleine Legal, qu'il a épousé il y a six ans, qui cultivent les terres. Les deux frères Antoine sont partis vivre au bourg de Jouillat. Etiennettte assume les tâches ménagères. Jean a choisi d'être migrant en tant que maçon.
La migration est le moyen employé par les jeunes marchois pour améliorer les faibles revenus de la famille. La terre est pauvre et produit peu. Il faut payer les impôts et abandonner au "maître" une bonne partie des récoltes. Les migrants partent en groupe à pieds vers les mois de février, mars, pour la plupart vers la région parisienne. Ils reviennent pour la Noël. Jean migre avec son ami Gerby. Les vieux Gerby à l'époque des Prieurs étaient gardiens d’un des accès du Prieuré.
Les migrants marchois, surnommés "mangeurs de châtaignes" à leur arrivée à Paris se rassemblent place de grève face à l'Hôtel de ville. Là, a lieu l'embauche. Un peu comme à l'époque gallo-romaine la vente aux esclaves sur les forums. Une fois l'embauche conclue, les maçons partent à la recherche d'un gîte. Ils se regroupent sur les bords de la Bièvre dans le quartier Saint-Marcel rue Mouffetard prêt de la place de la Contrescarpe.
(à suivre)