Le chemin des morts 16 Les accordailles
Une fin d’après midi de septembre le soleil commence à descendre derrière les arbres et buissons de la chènevière. Une première fraîcheur des soirées automnales fait se blottir les femmes devant les flammes qui crépitent dans la cheminée. Jacques Lasmier le galant d’Elisabeth Boyer, accompagné de son menon Léonard Parrain, se présente à la porte de la demeure de François Boyer. Le maître des lieux vient de « curer » les écuries. Les vaches reviennent de la pâture menées par Marguerite. Elisabeth termine la traite des chèvres après avoir rentré ses moutons. Magdeleine achèvent la journée par la corvée des porcs et le rassemblement de la volaille.
Le père Boyer invite les deux visiteurs à s’installer à sa table.
- Je sais ce qui vous amène chez moi. Nous en avons déjà discuté le mois dernier. Mon gendre le Peynot m’a parlé de ton Jacques. Il m’a confirmé qu’il était courageux et bon gars. En s’adressant à son épouse, tu peux préparer la « moulette » la mère. Magdeleine s’exécute. Elle commence à casser les œufs dans un bol. Elle rassemble les coquilles dans son tablier puis, se dirige vers la porte. A ce moment le prétendant et son ambassadeur blêmissent. Si elle jette les coquilles dehors ils auront faits toutes ces démarches pour rien car ce geste serait un signe de refus. Mais la mère passe devant la porte, va se planter devant la cheminée et jette les coquilles d’œuf dans l’âtre. Jacques et Léonard reprennent des couleurs en voyant les coquilles griller ce qui signifie que tout espoir est désormais permis.
Elisabeth pose ses mains sur le « cul » de la marmite noire qui sert à faire cuire les pommes de terre du souper. Elle les retire noires de suie. Elle va vers son, désormais, galant et se les frotte contre la belle blouse blanche de migrant maçon dont Jacques avait pris soin de se vêtir. Jacques se précipite vers son patron en lui disant :
- Regarde, patron, comme je suis bien « chamouésé » l’Elisabeth veut bien de moi !
-Mangeons la « moulette » propose François Boyer et fixons la date de la demande et des fiançailles.
Marguerite, restée assise sur les marches du grenier, n’a rien perdu des tractations. Dès l’heureuse conclusion elle se précipite dans la pièce en se jetant au coup de sa sœur qui pleure de joie.
Le premier samedi d’octobre Marie Ratoullat la veuve d’André Lasmier et mère de Jacques, “prend” le chemin qui conduit à Jouillat. Vers les midi elle arrive chez le cabaretier Chazeaud où loge son fils. Tous les deux prennent une légère collation. Après avoir rajusté leur toilette, ils prennent au passage Léonard Parrain le patron et ambassadeur du Jacques. Tous trois partent pour le village de Lacoux où en fin d’après midi ils souperont chez les Boyer.
Le repas est copieux. Le plat de résistance est un jambon salé aux choux. Auparavant Marie Ratoullat et Léonard Parrain avaient fait la demande en mariage pour Jacques avec la fille de la maison, Elisabeth. Arrivés au milieu du repas, les deux fiancés sont priés de quitter la table afin que les deux parties finalisent les « accordailles » où sont déterminées les dates de l’achat des « livrées » et enfin celle du mariage qui lui, est fixé au 22 mars de l‘année qui suit. Les témoins pour Elisabeth seront son beau-frère François Peynot des Taches et son oncle Antoine Boyer de Jouillat. Pour Jacques, Léonard Parrain et Jean-Baptiste Chazeaud le cabaretier de Jouillat seront ses témoins. Les accordailles terminées tout le monde reprend sa place à table. La future mariée fait apprécier ses talents culinaires en confectionnant un savoureux clafoutis aux pommes. Après le repas tout le monde se sépare en se disant à demain dimanche pour le « voyudo », la visite des bâtiments, du cheptel et des champs.
(à suivre)