A deux pas de Saint-Dizier les domaines près de Chatelux Malvaleix, au petit village de la Borde, le petit Jean Guillion a quatre ans. Il joue devant le fumant tas de fumier avec ses deux frères Pierre et Etienne. Leur grande sœur Sylvaine les surveille du coin de l'œil tout en épluchant les pommes de terre qui mijoteront tout l'après-midi dans la grande marmite noire accrochée à la crémaillère de l’âtre de la cheminée. Leur maman Anne Doizon, est au village de la Verrière chez sa mère. Anne pour la cinquième fois va accoucher. La Verrière est le seul village des environs où exerce une sagefemme.
Le père, Antoine Guillion, âgé de trente-six ans, est au bourg de Saint-Dizier les Domaines. Son frère Sylvain, son aîné de six ans, est attablé à sa gauche dans l’auberge de la place de l'église. Ils sont entourés d'une douzaine de paysans comme eux des villages de la Borde, de la Verrière, de Châtelux Malvaleix, de la Seiglerie, Ladapeyre et même de Jarnages. On discute ferme dans le groupe le ton monte à mesure des "chopines" qui défilent.
Les deux frères Guillion mènent les débats.
- Le châtelain de La Fayette nous saigne jusqu'aux os, s'écrie Antoine. Les récoltes ont été mauvaises et nous devons malgré tout les approvisionner en denrées alimentaires comme si rien n'était et nous, il nous reste que des "raves" à manger.
Sylvain se lève de son banc et en levant le poing, hurle :
- Il parait qu'à Mérignat des familles sont réduites à mendier leur pain ! Il nous faut renouveler les attaques de l'année passée, à Parsac, Pionnat et Ahun. La ville de Guéret doit faire livrer le grain au curé de Saint-Chabrais. Attendons-les à Jarnages et récupérons notre bien !
la révolution française, en Creuse, est en marche.
(à suivre)